lundi 20 septembre 2010

Les chroniques d'un Looser

Élève moyen, parfois franchement nul, j’ai commencé tôt. Après quelques redoublements et erreurs d’orientation j’ai su me convertir en chômeur actif et travailleur à courte durée déterminée. Ma vie sentimentale n’est pas réjouissante, d’illusions en désillusions, j’hésite entre me remettre en question ou déduire que la gente du sexe opposée n’a jamais su se mettre en phase avec mes attentes. Vous m’avez reconnu, je suis un Looser.

Petit, il suffisait qu’on me complimente pour que je prenne la couleur d’une pivoine, je n’ai jamais su différencier une ouverture d’une preuve de sympathie ou d’amitié. A l’école, au vu de mes notes, j’ai longtemps pensé que mes professeurs m’évaluaient sur dix, j’ai toujours pris la peine de comprendre avec un temps de retard ce que la classe saisissait sans difficultés. J’avais le sentiment d’être unique et je l’étais car c’est moi seul qu’on tabassait dans la cour lorsque le professeur avait le dos tourné.

Je rate à peu près tout ce que j’entreprends et le stress m’envahit lorsqu’il s’agit d’un examen ou d’un concours, j’ai le gène de l’échec, çà te gène ? Mes amis se comptent sur les doigts de la main ou ne se comptent pas du tout. Ma famille m’encourage à poursuivre mes desseins par affection plus que par conviction. En effet, j’ai peu de crédit verbal et financier, juste de quoi créer l’illusion et conserver le sursis. Si je n’ai rien ou peu, c’est le résultat de mes propres choix, contrairement au Démuni.

Je n’ai pas de style ni d’humour, je suis aussi fin qu’une porte blindée et aussi cool qu’un prof d’allemand. Il n’est pas rare qu’on se moque de moi et pas rare de voir me défendre avec l’ardeur d’un charbon mouillé. En proie à la loose, je suis la cible idéale de gens bien intentionnés et déterminés à combattre mon mal par le mal.

Homeless, jobless, je peine à conserver des petits emplois et exercer des sots métiers car aux yeux de mes employeurs je suis tantôt incompétent, tantôt compétent mais inadapté. Et j’en souffre. Il est vrai qu’à force de contraventions pour stationnements gênants, j’ai fini par négocier des réductions ainsi qu’une carte de fidélité à la police municipale. Il est aussi vrai que je connais le prénom de la plupart des interlocuteurs du Pôle Emploi de la zone géographique dont je dépends.

Je mange dans les fast-foods, même hors des repas et redemande toujours un peu de sauce pour m'arrondir les angles. Un vrai looser se doit d’avoir un physique reprochable. Je découvre la mode et les bons plans une fois qu’ils sont passés de mode. Mon curriculum vitae est aussi long et cohérent qu’un court métrage expérimental et ma carrière s’annonce aussi prometteuse que l’envol d’Ariane 5.

En guerre avec mon ex, en procès avec mon ancien employeur et en pourparlers avec mes parents, je passe le plus clair de mon temps à négocier et trouver des réponses politiquement correctes à mon entourage pour éviter le lynchage. Ma vie est un tunnel dont on ne voit pas le bout et moi une voiture sans phares. Il parait que tout est question de blocages et déblocages, derrière chaque looser se cache un talent potentiel, qu’un cancre peut devenir prof, un timide bête de scène ou qu’un abruti peut passer à la télévision. Je serais étonné de voir comment on se défait de la loose et curieux de découvrir ce qui peut se cacher derrière…

Gary.

Vers les chroniques d'un Etroit...